Future loi immigration, soyons ambitieux !

Les futurs contours du projet de loi immigration ont été dévoilés dans un entretien au « Monde » paru le 2 novembre 2022. Dans cette loi, il sera question de protéger l’ordre public, de lutter contre l’immigration irrégulière et d’engager une réforme de notre système d’asile. La question des OQTF a été mise sur le devant de la scène à l’occasion des drames terribles de ces dernières semaines et les Français, « chauffés à blanc » par certains partis, attendent des résultats.

Sera évoquée, aussi, comme dans de nombreuses lois qui la précède, la question de l’intégration.

Nous savons, au regard de l’histoire de notre pays, à quel point l’immigration est un sujet sensible.

Les mesures qui visent à durcir les conditions d’accueil ou encore à éloigner les étrangers délinquants, nous les prenons depuis des décennies. Si elles caressent dans le sens du poil les fanatiques du grand remplacement, il semble qu’elles n’aient qu’un impact relatif puisque nous en sommes au même point aujourd’hui. Les lois sur l’immigration se succèdent, mais pour quels résultats ?

Ce texte aura la particularité d’être co-porté par le Ministre de l’intérieur et le Ministre du travail. Et c’est peut-être cela qui fera la différence et permettra d’aboutir à un changement structurel.

Ce sera le cas si l’intégration y trouve une place majeure.

Elle donne souvent lieu à des malentendus et engendre bien des tensions dans notre société. L’intégration consiste-t-elle à respecter les règles de la République ? Est-ce une injonction à se conformer à un « modèle français » qui irait de pair avec le fait de délaisser le sien ? L’intégration relève-t-elle uniquement d’une prérogative de l’étranger arrivant sur notre sol et qui, par elle, prouve sa reconnaissance et son respect pour le pays qui l’accueille ? Ou l’intégration est-elle également une responsabilité du pays accueillant ?

Ce que je crois, c’est que pour s’intégrer en France, il faut vivre et éprouver la liberté, l’égalité et la fraternité qui constituent nos valeurs fondamentales.

Et pour cela, il faut être soutenu par un discours politique courageux, clair et factuel, qui :

  • Affirme, qu’en parallèle de la Terre d’asile que nous sommes, nous avons besoin, pour des raisons économiques, de recourir à une immigration de travail, et pas seulement pour des métiers sous-qualifiés,
  • Lutte contre la désinformation et évalue sa politique migratoire afin d’expliquer avec des chiffres partagés pourquoi, l’immigration est une valeur ajoutée,
  • Articule intégration avec dignité et émancipation. Parce que l’intégration passe aussi par la valorisation des savoir-faire des personnes étant ou arrivant sur le sol français.

Comment ?

Il faut poursuivre les efforts déjà menés et les systématiser. La France s’est inscrite depuis plusieurs années dans une logique de compétences pour permettre à chacun de travailler tout au long de sa vie. C’est dans cette trajectoire que doivent être accompagnées les personnes immigrées.

Cette loi devra considérer deux points essentiels :

  • La régularisation des travailleurs étrangers

Le fait de travailler témoigne d’une volonté de faire société, de contribuer à un collectif, de se projeter dans notre pays et d’y construire quelque chose, à rebours des idées reçues sur l’immigré assisté, marginal, criminel. La responsabilité de la régularisation ne doit pas reposer uniquement sur l’employeur car cela induit un rapport de force asymétrique délicat. Par ailleurs, cette régularisation doit favoriser la reconnaissance des compétences du travailleur et la validation des acquis et de l’expérience peut être un levier pour ce faire dans le cadre d’un dispositif de « VAE travailleurs immigrés ».

  • L’accueil d’immigrés de travail

Si le titre de séjour des immigrés de travail est octroyé en fonction des métiers en tension, je pense que France compétences à un rôle à jouer, en cela qu’elle peut proposer des parcours d’intégration individualisés. Au programme pour tout arrivant et en fonction du besoin, nous pourrions envisager un tutorat en service civique pour faciliter l’appropriation des valeurs de la République, des cours de français professionnels renforcés en lien avec le métier, la passation d’équivalence de diplômes, en accéléré, pour permettre à chacun de trouver un emploi en adéquation avec ses compétences et de faire valoir son niveau d’étude et sa qualification ; car rappelons-le, selon l’INSEE, 17% d’immigrés ont un niveau bac+5 ou plus, contre seulement 14% des personnes nées en France.

En somme, j’appelle de mes vœux que ce futur projet de loi n’ait pas pour colonne vertébrale la durcification et la répression, mais qu’il soit construit dans une ambition résolument émancipatoire. Toute mesure rustine sur ce sujet n’aura pour conséquence que de diviser encore plus la population alors que le fondement même de notre République, au-delà de l’accueil, est de permettre le développement du civisme de tous et de la citoyenneté.